Véritable outil de la gestion de patrimoine, la société civile patrimoniale s’adresse principalement aux personnes souhaitant optimiser leur succession sur des actifs immobiliers et financiers variés. Dans certains cas, la société civile patrimoniale peut proposer des avantages fiscaux à leurs fondateurs, mais attention à l’abus de droit !
Qu’est-ce-que la société civile patrimoniale ?
La SCP pour société civile patrimoniale est une société dont l’objet principal est la détention d’actifs diversifiés. Contrairement à la SCI (société civile immobilière) dont l’objet social se limite à la gestion de biens et droits immobiliers, la SCP a un objet social plus large : la détention d’actifs financiers et immobiliers. La SCP peut ainsi investir dans l’immobilier mais aussi prendre des participations dans le capital de société, ou encore réaliser des placements dans des produits financiers.
En tant que société civile, le fonctionnement de la SCP obéit aux mêmes règles que les autres sociétés civiles :
- elle est constituée par plusieurs associés (deux au minimum) ;
- les activités exercées au sein de la société doivent être civiles ;
- les pertes de la SCP ne sont pas limitées aux apports des associés lesquels engagent leur responsabilité personnelle (absence de responsabilités limitées contrairement aux sociétés commerciales) ;
- les statuts imposent la nomination d’un gérant disposant du pouvoir d’engager la société civile patrimoniale à l’égard des tiers en toutes matières dans la limite de l’objet social et du respect des règles d’ordre public issues notamment du droit des sociétés (tel que l’interdiction d’augmenter l’engagement des associés sans leurs accords et donc l’endettement la société civile patrimoniale).
En d’autres termes, la SCP est avant tout un véhicule d’investissement prenant la forme d’une société civile permettant à plusieurs personnes de mettre en commun des ressources dans le but de détenir et de gérer des actifs financiers et immobiliers. En raison de la présence d’un ou plusieurs gérants, la gestion des actifs de la société civile de patrimoine est facilitée comparativement à l’indivision, régime alternatif pour les achats de biens à plusieurs.
Quelles différences entre une société civile patrimoniale et une société civile de portefeuille ?
La société civile de portefeuille est une catégorie de société civile ayant pour objet social la détention d’actifs financiers. En d’autres termes, la société civile de portefeuille est une holding patrimoniale prenant la forme d’une société civile offrant une alternative intéressante à la société par actions simplifiée (SAS), forme juridique privilégiée pour une holding, en raison de l’applicabilité du régime de la transparence fiscale pour une durée illimitée (contre 3 ans maximum pour une SAS).
Ainsi, la société civile patrimoniale n’est autre qu’un mélange entre une SCI et une société civile de portefeuille. Son objet social offre la possibilité au gérant de constituer un actif composé à la fois d’immobilier et de titres financiers.
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Les sociétés civiles patrimoniales proposent-elles des avantages fiscaux ?
Au-delà des considérations de gouvernance de la société civile patrimoniale, il est communément admis que ce type de société permettrait de retirer des avantages fiscaux. Dans les faits, la société civile de patrimoine peut avoir une utilité fiscale pour les hauts patrimoines, mais attention aux montages fiscaux envisagés.
Les sociétés civiles de portefeuille et l’impôt sur la fortune
La société civile patrimoniale a la réputation d’être un excellent outil pour éviter l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Cette affirmation est à la fois vraie et fausse selon les opérations envisagées.
En principe, les sociétés ne sont pas redevables de l’IFI puisque cet impôt ne concerne que les personnes physiques. Ceci étant, la détention indirecte d’un bien immobilier à travers une société française ou étrangère peut être intégrée dans les bases de calcul de l’IFI dans une certaine mesure (CGI, art. 965, 2°; BOI-PAT-IFI-20-20-20). La valeur des parts des sociétés civiles de patrimoine entre dans l’assiette de l’IFI pour la valeur de l’actif net immobilier détenu par la société. En pratique, il convient alors de ventiler les actifs immobiliers des autres actifs financiers.
Il est donc impossible par défaut d’échapper à l’IFI via une détention indirecte par une société civile de patrimoine (de même pour les SCI). Ceci dit, en cas de démembrement de propriété, seul l’usufruitier est soumis à l’IFI (le nu-propriétaire est tout simplement négligé). Une technique consiste donc à démembrer la propriété d’un bien immobilier de manière temporaire, et à réserver l’usufruit de bien à la société civile patrimoniale tandis que la nue-propriété est conservée au sein du patrimoine personnel du propriétaire initial (Sur les notions d’usufruit et de nue-propriété, voir notre article). Les sociétés n’étant pas redevables de l’IFI, le propriétaire du bien immobilier éluderait l’impôt de cette façon…
Bien entendu, ce type d’opération doit avoir une justification économique sous peine d’être qualifié d’abus de droit (ou plus récemment de “mini-abus de droit”) si le seul et unique but est d’éluder l’impôt. L’abus de droit fiscal est caractérisé par deux éléments :
- un élément objectif à savoir l’utilisation d’un texte à l’encontre des intentions de son auteur.
Le démembrement de propriété a pour objectif de coller à une réalité patrimoniale : conférer un droit d’usage et le droit de tirer des fruits d’un bien sans en perdre la propriété. En pratique, la société doit sans ambiguïté exploiter le bien immobilier et en retirer des revenus.
- un élément subjectif c’est-à-dire la volonté principale d’éluder l’impôt.
Si un démembrement n’a pas d’autres objectifs que d’échapper à l’IFI, il sera difficile de justifier un tel montage en cas de contrôle fiscal s’il ne correspond à aucune autre réalité économique.
En revanche, il est possible de réduire l’IFI tout en assurant la transmission d’un patrimoine. Rien n’empêche de démembrer les parts de la société civile de patrimoine et de donner l’usufruit temporaire aux héritiers. Cette opération permet de faire bénéficier aux héritiers des bénéfices réalisés par la SCP en réduisant l’assiette de l’IFI. L’administration fiscale dans ses récents commentaires sur le nouveau “mini abus de droit” a validé les démembrements temporaires de propriété au profit d’un enfant qui poursuit ses études secondaires si l’opération s’inscrit dans le cadre de l’obligation alimentaire des parents.
Ce type d’opération nécessite néanmoins de s’acquitter des droits de donations selon le barème de l’article 669 du CGI.
Si l’objectif porte plus sur une transmission anticipée du patrimoine dans le but de réduire les droits de succession, il est aussi possible d’effectuer une donation avec une réserve d’usufruit, soit l’opération inverse (le donateur donnant cette fois la nue-propriété des parts de la société civile patrimoniale). Au moment de la succession, la pleine propriété est reconstituée dans le patrimoine du nu-propriétaire sans occasionner le paiement de droit de succession (nous y reviendrons).
Le démembrement de propriété des parts de société civile patrimoniale offre de belles possibilités sur le plan successoral. Quid des avantages fiscaux pour les revenus des valeurs mobilières et des revenus fonciers ?
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Les sociétés civiles patrimoniales et l’option pour l’impôt sur les sociétés
La société civile patrimoniale, tout comme les autres sociétés civiles, est en principe translucide fiscalement (CGI, art. 8). Le régime de la translucidité fiscale signifie que les associés sont imposés sur une quote-part du résultat de la société à hauteur de leur participation dans le capital de la SCP et selon leurs régimes fiscaux respectifs.
Les revenus locatifs générés par la location d’immeubles détenus par une SCP seront imposés entre les mains des associés dans la catégorie des revenus fonciers. Du fait de la translucidité, il est également possible d’imputer les déficits fonciers issus d’une autre source telle qu’un investissement dans un monument historique.
De plus, il est aussi possible de bénéficier des régimes fiscaux spéciaux en société civile patrimoniale tels que :
- le dispositif Pinel ;
- le dispositif Malraux…
Pour les dividendes et les plus-values sur des titres financiers détenus par la société civile patrimoniale, la logique est similaire. Ils devront être déclarés dans leurs catégories respectives par les associés même s’ils ne leur ont pas encore été distribués par la société civile patrimoniale :
- revenus de capitaux mobiliers,
- plus-values sur valeurs mobilières.
Sur ces produits, l’associé sera soumis à la flat tax de 30 % sauf à opter pour l’application de l’impôt sur le revenu (notamment pour bénéficier de certains abattements fiscaux : abattement pour durée de détention sur certaines plus-values, ou abattement de 40 % sur les dividendes).
Pour toutes ces raisons, le régime de translucidité fiscale est presque systématiquement conseillé pour les sociétés civiles patrimoniales. Toutefois, lorsque les patrimoines et revenus sont très élevés (revenu net global supérieur à la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu, soit 158 122 € en 2021), l’option pour l’impôt sur les sociétés (IS) peut s’avérer salvatrice.
Certes, la double imposition (impôt sur les sociétés sur les résultats de la société puis impôt sur le revenu sur les revenus distribués) engrange des frottements fiscaux élevés, mais cette option ouvre d’autres possibilités :
- transformer les revenus immobiliers en dividendes et les soumettre à la flat tax de 30 % ;
- différer le paiement de l’impôt en modulant la distribution des dividendes ;
- réinvestir les bénéfices de la société civile patrimoniale et faire croître son patrimoine en limitant l’assiette de l’IS (grâce au mécanisme de déduction des charges et des dotations aux amortissements).
Favoriser la transmission grâce aux sociétés civiles patrimoniales
La donation avec réserve d’usufruit des parts de société civile patrimoniale à l’IS permet d’anticiper la succession. Ce dernier point est particulièrement intéressant lorsqu’il est combiné avec un démembrement précoce des parts de la société civile patrimoniale. En effet, la valeur fiscale des parts de SCP est calculée en fonction de l’actif net de la société. Au moment de sa constitution, les parts ont une valeur comparativement faible surtout si la SCP a recours à l’endettement pour constituer son patrimoine.
Remarque : le recours à l’endettement est plus que conseillé pour les hauts patrimoines souhaitant créer une société civile patrimoniale notamment en raison de sa facilité de mise en œuvre. Outre la maximisation de l’effet levier, les hauts patrimoines sont en mesure de proposer toutes les garanties suffisantes aux banques pour emprunter (nantissement, hypothèque, caution…).
Il est donc possible d’envisager une donation avec réserve d’usufruit : le fondateur conserve l’usufruit des parts et donne la nue-propriété à ses héritiers et ce, avec très peu de frottements fiscaux en raison de la faible valeur des parts sociales.
La société civile patrimoniale à l’IS pendant toute sa vie va réinvestir ses bénéfices et faire grossir son patrimoine (donc la valeur des parts sociales). Pour autant, les droits de succession seront nuls pour les héritiers puisque l’usufruit, au décès de l’usufruitier, revient dans le patrimoine des nus-propriétaires sans droits de succession à acquitter.
Il est ainsi possible de léguer un patrimoine conséquent via une société civile patrimoniale en évitant la case impôt si l’on s’y prend suffisamment tôt.
La société civile patrimoniale en raison de la diversité de ses actifs est donc un outil de gestion patrimoniale indispensable pour les patrimoines importants.