Les atouts du pacte Dutreil pour transmettre une entreprise

Le Pacte Dutreil est un dispositif très intéressant pour qui souhaite transmettre une entreprise par voie de donation ou de succession.  La loi Dutreil permet en effet de bénéficier d’une exonération de 75% de la valeur de l’entreprise soumise aux droits de mutation à titre gratuit, sous réserve de prendre un engagement de conservation des titres de la société et d’assumer la direction de l’entreprise.

Couplé à d’autres dispositifs ou utilisé seul, le Pacte Dutreil reste aujourd’hui l’une des mesures fiscales les plus favorables au dirigeant d’entreprise.

Quelles sont les conditions du Pacte Dutreil ?

La loi Dutreil de laquelle est issu le dispositif du même nom permet de faciliter la transmission d’entreprise en allégeant la fiscalité du dirigeant dans le but de préserver l’emploi et l’activité en stabilisant l’actionnariat et la direction de l’entreprise.

Pour bénéficier d’une exonération partielle de droits de donation ou de succession, trois conditions doivent être remplies (CGI, art. 787 B et art. 787 C). Ces conditions doivent être respectées avant et après la transmission de l’entreprise.

Transmissions d’entreprises visées par le Pacte Dutreil

Le Pacte Dutreil s’applique aux transmissions réalisées à titre gratuit, c’est-à-dire opérées sans contrepartie. Ceci vise tant les transmissions par donation que par décès (succession).

S’agissant des donations, celles-ci peuvent être réalisées en pleine propriété ou en démembrement de propriété. Il peut en effet s’avérer pertinent dans le cadre d’une stratégie patrimoniale de conserver une source de revenus pour le dirigeant après son départ à la retraite. En démembrant les titres d’une société, le donateur donne la nue-propriété des titres et se réserve l’usufruit pour continuer à percevoir les dividendes. L’Administration précise que l’exonération partielle Dutreil peut s’appliquer aux donations consenties avec réserve d’usufruit à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient limités dans les statuts aux seules décisions concernant l’affectation des bénéfices (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, §300, 6 avr. 2021).

Lire aussi : Comprendre l’usufruit et la nue propriété

Un autre avantage de taille du Pacte Dutreil, aucune relation de parenté n’est requise entre donateur et donataire pour bénéficier de l’exonération. Autrement dit, la donation peut être effectuée au profit d’un lointain parent (neveu, cousin), voire même d’un tiers (salarié par exemple). 

Entreprises éligibles au Pacte Dutreil

L’exonération Dutreil peut concerner la transmission à titre gratuit de deux types d’entreprises :

  • les sociétés (CGI, art. 787 B),
  • et les entreprises individuelles (CGI, art. 787 C).

Aucune condition n’est posée quant au régime d’imposition de l’entreprise qui peut aussi bien être soumise à l’impôt sur les sociétés ou relever de l’impôt sur le revenu. En revanche, l’activité exercée par l’entreprise doit impérativement être une activité commerciale, industrielle, agricole, artisanale ou libérale. De fait, les sociétés patrimoniales sont exclues du dispositif Dutreil : holding financière et société immobilière (type SCI) dont l’activité de nature civile repose sur la gestion de leur propre patrimoine (location de locaux nus, location de meublés à usage d’habitation, gestion de portefeuille de valeurs mobilières…).

Par exception, les holdings animatrices peuvent être assimilées à des sociétés opérationnelles et ainsi entrer dans un Pacte Dutreil sous certaines conditions (V. BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, §50 et 55, 6 avr. 2021).  Ces sociétés ont pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations :

  • la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;
  • et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (“management fees”).

Le caractère principal de l’activité d’animation de groupe d’une société holding est reconnu lorsque la valeur vénale des titres de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale représente plus de la moitié de son actif total (Cass. Com., 14 octobre 2020, n° 18-17.955).

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Les engagements à prendre pour bénéficier de l’application de la loi Dutreil

Le Pacte Dutreil suppose que des engagements de conservation soient pris afin d’assurer la pérennité de l’entreprise transmise. 

Les engagements à prendre dans les sociétés

Engagement collectif  de conservation

La transmission de l’entreprise doit être précédée d’un “engagement collectif” de conservation d’une durée minimale de 2 ans, pris par le chef d’entreprise avec un ou plusieurs autres actionnaires ou associés et portant sur une quotité minimale : 

  • pour les sociétés non cotées, au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote,
  • pour les sociétés cotées, au moins 10% des droits financiers et 20% des droits de vote. 

Depuis le 1er janvier 2019, cet engagement de conservation peut être pris par une personne seule, pour elle-même et ses ayants-cause à titre gratuit. Cet engagement unilatéral de conservation suit les mêmes règles que l’engagement collectif.

Engagement “réputé acquis”. – La prise d’un engagement collectif de conservation suppose qu’il intervienne avant la transmission, or il peut arriver que le décès du chef d’entreprise précède cette dernière. La loi prévoit dans ce cas une tolérance : l’engagement collectif n’est pas nécessaire et il est “réputé acquis” lorsque : 

  • le donateur défunt ou son conjoint ou partenaire de PACS détient pendant au moins 2 ans les seuils exigés en droits financiers et en droits de vote ;
  • ou le donateur défunt  ou son conjoint ou partenaire de PACS exerce depuis plus de 2 ans dans la société à la date de la transmission. Il peut s’agir de son activité professionnelle principale si la société relève de l’impôt sur le revenu, ou d’une fonction directive (gérant de SARL, président d’une SAS…) si la société relève de l’impôt sur les sociétés.

Engagement post mortem : conclusion d’un engagement collectif de conservation après le décès. – Lorsque les actions transmises par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif de conservation, et que l’engagement ne peut être considéré comme “réputé acquis”, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux, seuls, ou avec d’autres associés, conclure un engagement collectif ou unilatéral de conservation des titres dans les six mois qui suivent la transmission (les conditions prévues à l’article 787 B devront par ailleurs être remplies).

Engagement individuel  

Une fois la transmission de l’entreprise réalisée, un engagement individuel de conservation doit être pris, pour une durée de 4 ans, par chacun des héritiers et légataires en cas de succession ou chacun des donataires en cas de donation. Ce délai commence à courir à compter de l’expiration du délai de 2 ans issu de l’engagement collectif.

Direction de l’entreprise

Le Pacte Dutreil nécessite également, pendant la durée de l’engagement collectif de conservation et les 3 années suivant la transmission (soit 5 ans minimum au total), que la direction de la société soit effectivement exercée par une personne ayant signé l’engagement collectif ou individuel de conservation (associés, donataires, héritiers ou légataires).

En pratique, cela suppose :

  • l’exercice d’une activité professionnelle principale si la société est une société de personnes visée à l’article 8 du CGI ;
  • ou l’exercice d’une fonction de direction si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés. En fonction de la forme juridique de la société, la direction peut être assurée par les personnes suivantes : gérant, président, directeur-général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire (CGI, art. 975, III-1-1°).

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Les engagements à prendre dans les entreprises individuelles

Lorsque la transmission porte sur une entreprise individuelle, les conditions à remplir pour bénéficier du dispositif Dutreil sont différentes (CGI, art. 787 C) :

  • il faut tout d’abord que l’entreprise ait été détenue depuis plus de deux ans par le défunt ou le donateur lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux ;
  • il faut ensuite que chaque héritier, donataire ou légataire prenne l’engagement de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de quatre ans à compter de la date de la transmission. Cet engagement est matérialisé dans la déclaration de succession ou l’acte de donation ;
  • enfin, un des héritiers, donataires ou légataires ayant pris l’engagement de conservation doit poursuivre effectivement l’exploitation de l’entreprise pendant les trois années qui suivent la transmission.

En cas de non-respect de l’engagement de conservation suite à une donation, l’exonération Dutreil peut être maintenue si le donataire est un descendant du donateur et qu’il poursuit son engagement de conservation jusqu’à son terme.

Quels avantages fiscaux procure le Pacte Dutreil ?

Le principal avantage fiscal du Pacte Dutreil est une exonération de droits de succession ou de donation à hauteur de 75% de la valeur de l’entreprise transmise. Cette exonération s’applique sans limitation de montant.

Ainsi, prenons l’exemple d’une entreprise valant 1 millions d’euros dont les titres sont donnés par le dirigeant à ses deux enfants (soit 500.000 € chacun). La base soumise aux droits de donation sera de 125.000 € par enfant (500.000 – 75%).

L’exonération du Pacte Dutreil peut être cumulée, sous certaines limites, avec d’autres dispositifs : 

  • la réduction de droits de mutation à titre gratuit de 50% applicable aux donations de parts ou actions d’une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale si la donation est faite en pleine-propriété avant les 70 ans du donateur (CGI, art. 790) ;

Lire aussi : Donation après 80 ans : est-ce viable ?

  • l’abattement de 300.000 € en cas de donation en pleine propriété à un salarié ou un apprenti, de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d’une entreprise individuelle ou de parts ou actions d’une société, sous condition notamment que les donataires poursuivent l’activité et la direction de l’entreprise (CGI, art. 790 A) ;
  • les abattements prévus en cas de donation simple (100.000 € par enfant notamment).

En pratique, comment bénéficier du Pacte Dutreil ?

Concrètement, le Pacte Dutreil suppose qu’un contrat soit signé avec des associés de l’entreprise afin de matérialiser l’engagement collectif de conservation requis par la loi. Le contenu du contrat est laissé à la discrétion des signataires, hormis la durée de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation qui doit au minimum être de deux années. 

Ce contrat peut être établi par acte authentique ou par acte sous seing privé (il faudra veiller dans ce dernier cas à lui donner date certaine afin de le rendre opposable en cas de contrôle).

En pratique, lorsque la transmission de l’entreprise est opérée par donation ou par décès, plusieurs situations peuvent être envisagées : 

  • un pacte d’actionnaires a été signé avant la transmission, le régime d’exonération peut s’appliquer immédiatement ;
  • si aucun pacte d’actionnaires n’a été signé, deux solutions sont possibles : 
    • l’engagement de conservation collectif peut être “réputé acquis” ;
    • un “pacte post mortem” peut être établi sous conditions en cas de décès  (voir plus haut).

La chronologie du Pacte Dutreil pour une transmission de société peut être synthétisée de la manière suivante : 

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En conclusion, le Pacte Dutreil est un outil intéressant pour la transmission de son entreprise à son groupe familial qui doit néanmoins être manié avec précaution compte tenu de la multitude de conditions à respecter, notamment en cas d’interposition d’une holding animatrice. Il requiert également une bonne anticipation en raison de la chronologie des différentes étapes du schéma.

Pour des raisons de sécurité évidentes, il est fortement recommandé d’être accompagné par des experts de la transmission d’entreprise (expert-comptable ou avocat).

Un point de vigilance est à noter au sujet du Pacte Dutreil : le coût du rappel fiscal. En cas de non-respect des conditions légales, les sanctions appliquées par l’Administration fiscale sont extrêmement lourdes puisqu’il faudra s’acquitter des droits de mutation à titre gratuit sur la totalité de la valeur de l’entreprise, majorée des pénalités fiscales. L’addition peut donc s’avérer très élevée.

En marge du Pacte Dutreil, notons que d’autres dispositifs existent et permettent d’optimiser la fiscalité selon votre stratégie de transmission, notamment le “family buy out” ou la donation de titres démembrés.

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