Même si l’immobilier ne constitue pas le cœur de l’activité d’une société, les plus-values réalisées à l’occasion de la vente d’un immeuble peuvent représenter une source importante de revenu. Comprendre le régime fiscal applicable à ces plus-values est essentiel pour optimiser la gestion fiscale de l’entreprise et prendre les bonnes décisions.
Nous allons vous présenter dans cet article les règles de taxation des plus-values immobilières dans les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés : comment déterminer la plus-value immobilière imposable ? Quel taux d’imposition appliquer ? Des exonérations sont-elles prévues ?
Détermination de la plus-value immobilière
Définitions
Par plus-value immobilière, il convient d’entendre le gain (ou la perte) réalisé à l’occasion de la cession d’un bien immobilier par une société.
Le terme de cession recouvre toute opération entraînant la sortie d’un bien de l’actif immobilisé de la société par vente, apport, échange, expropriation…
Les biens immobiliers s’entendent quant à eux de tout bien ayant cette nature au plan civil : immeuble bâti (appartement, maison, local professionnel, usine…) ou non bâti (terrain à bâtir, bois et forêts…).
La plus-value imposable correspond à la différence positive entre le prix de cession d’un bien immobilier et sa valeur nette comptable. On parle de moins-value lorsque le calcul aboutit à une perte.
Le régime d’imposition applicable aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés est très différent de celui dont bénéficient les particuliers puisqu’il suit le régime des bénéfices industriels et commerciaux qui est en principe moins favorable.
Les sociétés à l’IS s’entendent de toutes les sociétés, quelle que soit leur forme sociale (SA, SAS, SARL, SCI…) qu’elles relèvent de l’IS de plein droit ou sur option.
Détermination de la plus-value immobilière
Le calcul de la plus-value immobilière réalisée par une société se fait en plusieurs étapes :
- Détermination du prix de cession
- Détermination du prix d’acquisition
- Calcul de la plus-value brute
Prix de cession
Le prix de cession correspond à la contrepartie reçue de l’acquéreur du bien immobilier.
Il peut s’agir :
- du prix stipulé dans l’acte notarié en cas de vente ;
- de la valeur des titres reçus en cas d’apport d’un immeuble en société ;
- de la valeur du bien reçu en cas d’échange (majoré de la soulte éventuelle).
Le prix de cession sera enregistré comptablement en produit exceptionnel sur un compte 775 “Produits des cessions d’éléments d’actif” (un compte de TVA collectée 4457 sera également mouvementé si la cession est soumise à cette taxe).
La cession doit être enregistrée à la date de transfert du contrôle du bien. Cette date coïncide, la plupart du temps, avec le transfert de propriété.
Prix d’acquisition
Le prix d’acquisition de l’immeuble correspond à sa valeur nette comptable, c’est-à-dire sa valeur d’acquisition diminuée des amortissements comptabilisée.
La valeur d’acquisition doit être majorée :
- des frais d’acquisition s’ils ont été immobilisés au plan comptable (taxe de publicité foncière, droits d’enregistrement, frais d’acte notarié, commission versée à un intermédiaire) (CGI, ann. III, art. 38 quinquies) ;
- des coûts directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien (honoraires d’architecte, de géomètre, d’experts, d’évaluateur…).
La valeur d’origine correspond au prix payé en cas d’acquisition à titre onéreux, à la valeur d’apport en cas d’apport de l’immeuble à la société, à la valeur vénale en cas d’acquisition à titre gratuit ou par voie d’échange.
Si l’immeuble a été construit par la société, la valeur d’origine s’entend du coût d’acquisition des matériaux et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production.
Conformément aux principes comptables et à la méthode par composants, la valeur nette comptable de l’immeuble est constituée de la structure de l’immeuble (gros-oeuvre) et de ses composants (agencements, menuiseries, ascenseur…) (CGI, ann. II, art. 15 bis).Comptablement, la valeur résiduelle de l’immeuble sera enregistrée en charge exceptionnelle sur un compte 675 “Valeur comptable des éléments d’actifs cédés” et les amortissements enregistrés jusqu’à la date de la cession seront annulés (compte 28).
Plus-value imposable
La plus-value imposable correspond à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable de l’immeuble.
Si l’immeuble avait fait l’objet d’une dépréciation, la provision doit être reprise dans les résultats de l’exercice de la cession.
Remarque : Contrairement aux particuliers, les sociétés à l’IS ne bénéficient d’aucun forfait permettant de réduire la plus-value imposable (forfait pour frais d’acquisition ou pour travaux). Les éléments venant en déduction du prix de cession sont retenus pour leur montant réel.
De même, elles ne bénéficient d’aucun abattement pour durée de détention.
Régime d’imposition des plus-values immobilières pour les sociétés soumises à l’IS
Soumission au taux normal
Les plus-values immobilières réalisées par les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés sont intégrées dans le résultat imposable pour être soumises au taux normal.
En 2024, le taux normal de l’IS s’élève à 25%.
Les PME bénéficient d’un taux réduit de 15% sur les premiers 42.500 € de bénéfice à condition :
- de réaliser un chiffre d’affaires HT n’excédant pas 10 millions d’euros ;
- et d’avoir un capital entièrement libéré et détenu à 75% au moins par des personnes physiques (ou une société remplissant cette condition) (CGI, art. 219).
Si la cession de l’immeuble dégage un résultat négatif (appelé “moins-value”), celle-ci est déduite des résultats imposables sans retraitement particulier, et peut aboutir à la création d’un déficit qui s’imputera sur les résultats opérationnels de la société.
Application du taux réduit de 19%
Le taux réduit de l’impôt sur les sociétés de 19% s’applique aux plus-values nettes de cession de locaux à usage de bureau, à usage commercial ou à usage industriel, ou d’un terrain à bâtir, lorsque le cessionnaire, personne morale, s’engage à les transformer en logement ou à construire des logements dans un certain délai (CGI, art. 210 F).
Depuis le 1er janvier 2024, le local cédé doit être situé dans une commune appartenant à une zone géographique dans laquelle il existe un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements. Les communes concernées s’entendent de celles classées dans les zones A bis et A visées par l’article D. 304-1 du code de la construction et de l’habitation dont la liste est donnée par l’annexe I de l’arrêté du 1er août 2014 modifié. Pour plus d’informations sur ce régime : V. BOI-IS-BASE-20-30-10, 12 juin 2024.
Régime spéciaux pour certaines opérations immobilières
Contrairement aux particuliers et aux entreprises relevant de l’impôt sur le revenu, peu de régimes de faveur sont prévues pour les sociétés soumises à l’IS. Il existe néanmoins des mécanismes permettant de lisser ou de reporter le paiement de l’impôt sur la plus-value immobilière dans certains cas limitatifs.
Report d’imposition pour les opérations portant sur des terrains non bâtis
Il est prévu un report de la taxation des plus-values dégagées lors de la cession ou de l’apport en société de terrains non bâtis ou assimilés dans les 4 cas suivants :
- cession à une collectivité publique (CGI, art. 238 nonies) ;
- apport à une société civile de construction (CGI, art. 238 decies, I) ;
- apport à une société immobilière de copropriété (CGI, art. 23 8 decies, II) ;
- cession rémunérée par la remise d’immeubles ou des fractions d’immeubles à construire sur le ou les terrains cédés (CGI, art. 238 undecies).
En cas de cession à une collectivité publique pour cause d’expropriation, la plus-value est taxée au titre de l’exercice de perception de l’indemnité d’expropriation.
Dans les cas d’apport d’immeuble à une société, sauf option de l’entreprise apporteuse pour la taxation immédiate de la plus-value, celle-ci est rattachée aux résultats de l’exercice en cours à la date de la dernière cession, par la société de construction, des immeubles ou fractions d’immeubles construits par elle sur le terrain faisant l’objet de l’apport.
Régime spécial pour les opérations réalisées avec l’Etat et les collectivités publiques
Il existe également en faveur des sociétés à l’IS un mécanisme de report ou d’étalement d’imposition des plus-values réalisées à l’occasion d’opérations d’échange de biens immobiliers effectuées avec l’État, les collectivités territoriales et certains établissements publics ou associations en vue de la réalisation d’ouvrages d’intérêt collectif (CGI, art. 238 octies C).
Ce dispositif est optionnel, la société est libre de taxer immédiatement la plus-value immobilière ou de demander l’application du régime de faveur. Elle matérialise son option en joignant à sa déclaration de résultat de l’année de l’échange un état n° 2903-SD, ainsi qu’au cours de tous les exercices ultérieurs et tant que la plus-value n’aura pas été intégralement taxée.Pour plus d’informations sur ce régime : V. BOI-BIC-PVMV-40-10-70, 19 nov. 2012
Les SCI à l’IS : une bonne idée en matière de plus-value immobilière ?
La société civile immobilière est la structure de détention préférée des familles qui souhaitent mettre en commun le patrimoine familial ou optimiser la transmission de celui-ci à la génération suivante.
Consultez notre article “Quelle société choisir pour un investissement immobilier ?“
Les SCI relèvent en principe de l’impôt sur le revenu pour l’imposition de leurs revenus et plus-values (CGI, art. 8). Il est fait application du principe de translucidité fiscale : le résultat est déterminé au niveau de la société mais chaque associé est imposé sur sa quote-part de résultat (ou de plus-value).
Pour autant, les SCI ont la possibilité d’opter de manière irrévocable pour l’impôt sur les sociétés. Les revenus et plus-values sont alors calculés en appliquant les règles des bénéfices industriels et commerciaux.
Comparons maintenant les avantages et les inconvénients entre ces deux régimes dans un tableau synthétique :
Les SCI à l’impôt sur le revenu | Les SCI à l’impôt sur les sociétés | ||
Imposition des revenus | Imposition des plus-values | Imposition des revenus | Imposition des plus-values |
Les loyers sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de chaque associé, qu’ils aient ou non été distribués. IR à 45% maximum + prélèvements sociaux de 17,2%, soit un taux maximum de 62,2% | Les plus-values immobilières sont calculées selon les règles applicables aux particuliers : forfait pour frais d’acquisition et pour travaux, abattement pour durée de détention, exonérations totales ou partielles possibles. IR à 19% + prélèvements sociaux de 17,2%, soit un taux global de 36,2% | Les revenus de la société sont réduits par l’amortissement de l’immeuble et toutes les charges qui le concernent. IS à 15% jusqu’à 42.500 € de bénéfices puis IS à 25% pour le surplus. Les revenus nets distribués par la société aux associés sont soumis au prélèvement forfaitaire unique, soit 30% prélèvements sociaux compris. | Les plus-values immobilières sont déterminées selon les règles BIC moins favorables. IS à 15% jusqu’à 42.500 € de bénéfices puis IS à 25% pour le surplus. Double taxation de la plus-value si elle est distribuée aux associés puisqu’ils paieront le PFU de 30%. |
On comprend que si la SCI à l’IS est plus intéressante si elle a vocation à percevoir des loyers puisque l’application des règles BIC permet de réduire la base taxable grâce à l’amortissement de l’immeuble. En revanche, dans une hypothèse de revente de l’immeuble, la SCI à l’IR permet une réduction significative de l’impôt sur la plus-value et un taux d’imposition moindre pour l’associé.
Une possibilité d’optimisation dans les sociétés à l’IS consiste à céder la nue-propriété de l’immeuble tout en conservant l’usufruit, ce qui permet de réduire la plus-value taxable tout en continuant à percevoir les loyers ou d’occuper le bien.
La gestion des plus-values immobilières dans les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés requiert une connaissance approfondie des mécanismes fiscaux et une stratégie bien pensée. Les entreprises doivent non seulement comprendre les règles d’imposition et les taux applicables, mais aussi exploiter les régimes particuliers à leur disposition. Une planification et une veille réglementaire attentive sont essentielles pour optimiser la charge fiscale et maximiser la trésorerie disponible pour les associés après cession. (Voir le simulateur de plus-values immobilières kwiper)
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