L’assurance-vie est un outil incontournable dans l’organisation de la transmission de patrimoine. Ce placement bénéficie d’une fiscalité avantageuse et permet de déroger aux règles de dévolution successorale. Au décès de l’assuré, le capital revient aux personnes désignées par la clause bénéficiaire qui peuvent être le conjoint ou les enfants, mais aussi n’importe quelle autre personne que le souscripteur aura voulu récompenser ou protéger.
L’assurance-vie présente l’intérêt de ne pas entrer dans l’actif successoral de l’assuré si les droits des héritiers réservataires ont été respectés et si le montant des primes versées n’est pas exagéré.
Comment le capital de l’assurance-vie est-il imposé en cas de décès ?
Prérequis : la désignation d’un ou plusieurs bénéficiaires
Pour ouvrir droit au régime fiscal favorable de l’assurance-vie en cas de décès, le contrat d’assurance-vie doit prévoir un ou plusieurs bénéficiaires. En effet, si aucun bénéficiaire n’est désigné au dénouement du contrat, la totalité du capital de l’assurance-vie est réintégrée dans l’actif successoral du défunt et se voit appliquer les droits de succession classiques, moins favorables que le régime spécial que nous verrons plus loin.
Si en revanche un ou plusieurs bénéficiaires sont prévus dans le contrat, au décès de l’assuré le contrat se dénoue, les sommes n’intègrent pas l’actif successoral, échappent aux droits de succession et se voient appliquer un régime fiscal particulier.
Les bénéficiaires sont des personnes désignées dans le contrat d’assurance-vie au moyen d’une clause bénéficiaire, choisies par le souscripteur pour recevoir les capitaux au moment du décès. Il peut s’agir d’un membre de la famille ou de n’importe quel tiers.
Toutefois, afin de protéger le défunt d’un abus de faiblesse, certaines personnes ne peuvent être désignées comme bénéficiaires en application de la loi (C. civ. art. 909). Ce sera le cas par exemple des médecins, des auxiliaires médicaux (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes) ou des pharmaciens qui ont prodigué des soins au souscripteur du contrat d’assurance-vie pendant la maladie dont il décède. Les ministres du culte sont également visés, ainsi que les mandataires judiciaires pour les majeurs placés sous tutelle ou curatelle.
La clause bénéficiaire doit être rédigée avec soin et de manière suffisamment précise pour que l’assureur puisse retrouver le bénéficiaire au moment du décès. Il n’est pas nécessaire de désigner nommément le bénéficiaire si la clause est suffisamment claire et non équivoque (par exemple la mention “mon conjoint” ou “mes enfants nés ou à naître”). On considérera que les bénéficiaires sont “déterminables” mais il est toujours plus sûr de les désigner par leur identité complète (nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse), surtout lorsqu’il s’agit de personnes extérieures au cercle familial immédiat.
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La fiscalité en cas des décès applicable aux sommes versées avant les 70 ans de l’assuré
Certains bénéficiaires sont purement et simplement exonérés d’impôt au moment du décès. Ainsi, le conjoint survivant ou le partenaire de PACS, désigné comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, est totalement exonéré quel que soit le montant du contrat. Attention, cette exonération ne joue pas à l’égard du concubin.
Une exonération peut également jouer en faveur des frères et sœurs de l’assuré s’ils remplissent 3 trois conditions :
- être âgé de plus de 50 ans ou être atteint d’une infirmité rendant impossible l’exercice d’une activité professionnelle lui permettant de subvenir à ses besoins,
- être célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps,
- avoir été constamment domicilié avec le défunt pendant les 5 années précédant le décès.
Pour les autres bénéficiaires, le régime fiscal applicable à la transmission d’un contrat d’assurance-vie par décès ne tient pas compte du lien de parenté entre le bénéficiaire désigné et l’assuré, mais uniquement de l’âge de ce dernier au moment du versement des primes.
Ainsi, la totalité des primes versées avant les 70 ans de l’assuré est soumise à un abattement de 152 500 € (CGI, art. 990 I). Cet abattement joue pour chaque bénéficiaire.
Le reliquat du capital est ensuite imposé dans les conditions suivantes :
Primes versées avant les 70 ans du souscripteur | |||
Montant du capital |
Jusqu’à 152.500 € |
Entre 152.500 € et 852.500 € |
Au-delà de 852.500 € |
Taxation * |
0 ** |
20% |
31,25% |
(*) Les prélèvements sociaux peuvent s’appliquer en sus, sous réserve de ceux déjà prélevés pendant la durée de vie du contrat(**) Application de l’abattement de 152.500 € sur la valeur de rachat |
Exemple : Pour un capital de 900.000 €, le bénéficiaire sera taxé de la manière suivante :
- application de l’abattement aux premiers 152.500 € ;
- pour la part du capital comprise entre 152.500 et 852.500 € (soit 700.000 €), application du taux de 20%, soit un impôt de 140.000 € ;
- pour la part du capital excédant 852.500 € (soit 47.500 € dans notre exemple), application du taux de 31,25%, soit un impôt de 14.844 €
IMPÔT TOTAL : 154.844 € (soit 17,20% du capital transmis).
En cas de pluralité de bénéficiaires, les fractions d’abattement non utilisées ne sont pas reportables sur les autres bénéficiaires. Autrement dit, l’abattement de 152.500 € joue autant de fois qu’il y a de bénéficiaires, et uniquement pour ce montant.
Par ailleurs, lorsque la clause bénéficiaire stipule un démembrement de propriété du capital entre un usufruitier et un nu-propriétaire, l’abattement de 152 500 € est réparti entre ces derniers en application du barème fiscal de l’administration (CGI, art. 669).
Sur les notions d’usufruit et de nue-propriété, lisez notre article sur ce sujet.
La fiscalité en cas des décès applicable aux sommes versées après les 70 ans de l’assuré
Au-delà d’un certain âge et pour limiter les comportements opportunistes, la fiscalité de l’assurance-vie en cas de décès de l’assuré devient moins avantageuse.
En effet, les primes versées après 70 ans sont soumises aux droits de succession de droit commun (CGI, art. 757 B du CGI). Ainsi, le lien de parenté existant entre l’assuré et le bénéficiaire retrouve un impact significatif dans le calcul des droits de mutation par décès puisque selon la situation, le capital transmis pourra être imposé jusqu’à 60 % si le bénéficiaire est un tiers.
Le calcul des droits de succession se fait après application d’un abattement global de 30 500 €. Il s’applique de manière globale sur la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie au jour du décès de l’assuré, indépendamment du nombre de bénéficiaires. Contrairement à l’abattement de 152.500 € visé plus haut, l’abattement de 30.500 € ne joue qu’une seule fois. En cas de pluralité de bénéficiaires, il doit être réparti au prorata entre chacun des bénéficiaires en fonction de leur quote-part dans la répartition du capital-décès. Si certains bénéficiaires sont exonérés de prélèvements (tels les conjoints ou partenaires de PACS exonérés de droits), leurs parts d’abattement sont réparties au prorata dans les mêmes conditions entre les autres bénéficiaires.
Une autre différence notable est à noter lorsque les primes sont versées après 70 ans : la part du capital représentant les intérêts cumulés est exonérée de droits. Aussi, s’il est courant d’entendre que le versement de primes sur un contrat d’assurance-vie est déconseillé après 70 ans, il est à noter qu’aucun placement n’offre à ce jour une exonération totale des intérêts.
Exemple : Prenons le cas d’un souscripteur qui, à 72 ans, ouvre un contrat d’assurance-vie et désigne deux de ses neveux comme bénéficiaires. Il verse à l’ouverture du contrat la somme de 40.000 €, puis l’alimente pendant 8 ans à hauteur de 750 € par mois. A son décès le montant total des primes versées s’élève à 112.000 € (40.000 + (750 x 12 x 8) ). Le montant cumulé des intérêts s’élève quant à lui à 28.000 €. La valeur totale du contrat (primes + intérêts) s’élève à 140.000 €.
Voyons maintenant comment les neveux sont taxés au moment du décès, et comment ces mêmes sommes auraient été imposées si elles avaient été transmises sans le contrat d’assurance-vie.
Hors assurance-vie, chaque neveu aurait récupéré la moitié de 140.000 €, soit 70.000 €. Cette somme aurait été soumise aux droits de succession de la manière suivante :
- application d’un abattement de 7.967 € (abattement général sur la part recueillie par un neveu dans la succession de son oncle) ;
- puis calcul sur la quote-part nette d’abattement des droits de succession entre oncles et neveux au taux forfaitaire de 55%.
Les droits de succession se seraient montés à 34.118 € pour chacun d’eux (70.000 – 7.967) x 55%), et leur quote-part nette individuelle aurait été de 35.882 € (70.000 – 34.118).
Dans le cadre du contrat d’assurance-vie, la valeur totale du contrat de 140.000 € est décomposée entre capital (112.000 €) et intérêts (28.000 €).
Seul le capital est imposé, les intérêts sont exonérés.
On applique au capital l’abattement de 30.500 €, puis les droits de succession sur la quote-part de chaque neveu, soit les calculs suivants :
- quote-part taxable du capital : 81.500 € (112.000 – 30.500)
- quote-part nette revenant à chaque neveu : 40.750 € (81.500 / 2)
- droits de succession dus par chacun : 40.750 x 55% = 22.413 €
La part nette revenant à chacun s’élève à 47.587 € (140.000 / 2 – 22.413).
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Assujettissement et assiette de calcul du prélèvement sur les capitaux décès
Pour les primes versées à compter du 13 octobre 1998, les bénéficiaires sont assujettis aux prélèvements fiscaux de l’assurance vie en cas de décès si l’une de ces conditions est remplie :
- au moment du décès de l’assuré, le bénéficiaire a son domicile fiscal en France (ou l’a eu au moins 6 années pendant les 10 dernières années) ;
ou
- l’assuré, le jour de son décès, a son domicile fiscal en France.
Remarque : certaines conventions fiscales peuvent contrevenir à ces principes
Concernant l’assiette (hors abattement), cette dernière se calcule en faisant la somme des primes, rentes et autres produits sur valeur mobilière. Autrement dit, il s’agit de la valeur de rachat du contrat d’assurance vie au moment du décès de l’assuré. Ce capital décès devra faire l’objet d’une ventilation selon que les primes (et les produits occasionnés) ont été versées avant ou après les 70 ans de l’assuré.
Comment calculer l’assiette des prélèvements si des versements ont été effectués après et avant 70 ans ?
Lorsque le contrat d’assurance vie a fait l’objet de plusieurs versements après et avant l’âge pivot de 70 ans, il convient de ventiler le capital en fonction de l’âge du souscripteur au moment du versement.
Toutes les primes versées avant les 70 ans de l’assuré ainsi que leurs produits seront rattachables au régime fiscal des versements avant 70 ans prévu par l’article 990 I du CGI (abattement de 152 500 € par bénéficiaire, puis taux forfaitaire de 20% voire 31,25 %). Le reliquat sera imposé dans les conditions prévues à l’article 757 B du CGI (abattement global de 30 500 € puis droits de succession).
L’âge pivot de 70 ans en matière d’assurance-vie est donc particulièrement important et peut avoir des conséquences fiscales notables selon la qualité du bénéficiaire. Il est donc impératif d’anticiper ces conséquences en ouvrant plusieurs contrats d’assurance-vie en fonction de l’âge de l’assuré pour s’assurer que les bénéficiaires ayant un lien de parenté éloigné avec l’assuré soient les premiers bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie dont les primes ont été versées avant 70 ans.
On notera également que le conjoint et le partenaire de PACS étant toujours exonérés de droit quel que soit l’âge auquel les primes ont été versées, ce placement reste intéressant même après 70 ans pour cette catégorie de bénéficiaires.
Enfin, le contrat d’assurance-vie reste un excellent moyen de léguer une somme d’argent au bénéficiaire de son choix, sans se heurter aux droits des héritiers réservataires, et alors même que des versements ont été effectués après 70 ans.